Trop vite

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Je revois la tête d'un ami qui, au détour d'une conversation, tombe sur ce livre dans ma pile. « Tu ne vas pas lire "ça", tout de même ? C’est pour te moquer ou tu es sérieux ? Fais gaffe parce que si tu dis que tu apprécies, moi je ne te connais plus », avait-il dit.

La figure publique de Nabilla représente tout ce que je déteste. La futilité, la superficialité, l'ignorance... Ce ne sont pas les prétextes qui manquent... Mais, je ne peux pas dire que je n’aime pas Nabilla en tant que personne, je ne la connais pas. Alors, pourquoi ne pas tenter l'improbable en lisant son livre ? « Non mais allô quoi, t'es chroniqueur et tu lis Nabilla, allô ! C'est comme si je te dis que t'es pilote de course et que t'as pas de voiture ! »

Écrit avec l’aide, ou plutôt avec la plume de, Jean-François Kervéan, je me suis plongé dans cette lecture avec de petits aprioris malgré tout. Nous pourrions débattre des heures sur le bien-fondé de cette autobiographie, les motivations de son écriture, les enjeux d’audience et financiers qui pourraient s’y cacher. Mais, ce n’est pas de mon ressort. J’ai donc rapidement mis de côté tous ces aspects pour simplement tenter de prendre du plaisir.  

Ce n'est pas du Charles Dickens, ni du Baudelaire. C’est juste l’histoire d’une pauvre fille, consciente d’être souvent plus idiote qu’une poignée de porte, qui par la force des choses subit et vit des expériences qu’elle ne contrôle pas. Une cellule familiale éclatée, un caractère de cochon, malheureusement tout cela est d’une banalité affligeante, et puis la gloire qui tombe du ciel, et l’escalade… ou la dégringolade... Tout dépend de la manière dont on voit les choses.

Derrière les paillettes et le luxe, tout le faste de la médiatisation, il y a le côté obscur : la fille livrée à elle-même, la femme-objet, les scénarios organisés par les producteurs de téléréalités, cacher ses vrais sentiments, assurer les shows où il faut faire le buzz pour ne pas finir au placard, subir humiliation sur humiliation en gardant le sourire. Parce que Nabilla a beau être consciente d’être une gogole (selon ses propres termes), elle n’en souffre pas moins que quelqu’un d’autre. Mais, comme elle le répète souvent, elle ne se plaint pas… elle explique. Sa subite notoriété, alors qu’elle n’a strictement rien fait, hormis lâcher quelques conneries devant une caméra, est un mystère complet. Mais, pour une jeune femme qui a perdu ses repères, qui ne voit pas vraiment de perspective d’avenir, c’est une aubaine. On s’intéresse à elle,  la richesse est à portée de mains. Un véritable conte de fée, assorti d’une histoire d’amour intense et passionnée… qui se transforme vite en enfer. Elle raconte son histoire sans chercher à paraître plus intelligente, ou plus bête, avec une dose d’autodérision, de repentir, mais surtout avec beaucoup de sincérité.  

Nabilla a été déshumanisée, élevée au rang d’icône, de symbole de toute une (dé)génération friande de sensationnalisme et de voyeurisme. Un jour adulée comme une reine, le lendemain, sous la pression de l’opinion publique et les enjeux personnels, traînée dans la boue par les mêmes personnes. À 20 ans, comment garder la tête sur les épaules dans de telles conditions ? Dans une société malade où le crétinisme est de plus en plus mis en valeur pour créer de l'audience, qui doit-on blâmer ? La personne qui essaie de (re)construire sa vie avec les opportunités qui s'ouvrent à elle, ou ceux qui encouragent ses choix ?  Il est bien plus facile de juger les autres que d'essayer de les comprendre. Ce livre le rappelle avec beaucoup d’émotion. Alors, pour conclure, je répondrai à mon ami que oui, j’ai lu Trop vite, de Nabilla, j’ai aimé, et si ça ne lui plait pas, bah tant pis !

 

Trop vite, par Nabilla Benattia, couverture par Pauline Darley, éditions J’ai lu, janvier 2017, 244 pages, 978-2-290-13750-5, 6,50€

 

Lien externe : http://web.jailu.com/Albums_Detail.cfm?Id=50480

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