Terre demeure (La)

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Paru en 1949, c’est-à-dire bien après Ravage, de René Barjavel ou Quinzinzinzili de Régis Messac, que Stewart n’a probablement pas lus, ce récit de la renaissance d’une humanité presque anéantie (décimée est trop faible) par une épidémie (on peut s’interroger sur les caractéristiques nécessaires pour qu’une épidémie soit aussi meurtrière, une longue durée d’incubation seule pourrait expliquer son extension à toute l’humanité, mais ce n’est pas le sujet du livre) s’inspire certainement plus de Thoreau. L’idée en est que les communautés qui survivront devraient retrouver les méthodes « primitives » de survie. Même si le narrateur en est un savant, biologiste épargné grâce à une morsure de serpent, qui observe cette lente reconstitution, il ne peut obtenir des générations suivantes le maintien des connaissances scientifiques, voire même de la lecture. Il sera donc, au moment de sa mort, le « dernier Américain », le dernier représentant de notre culture.

 

On peut bien sûr ergoter sur les possibilités d’une absence de destructions et de conflits entre survivants qui permettent à la Tribu fondée par le narrateur de survivre et de disposer pendant un certain temps des restes de la civilisation (électricité, eau courante, réserves de magasins,...), autant de biens qui, dans les autres romans post-catastrophiques, ont été immédiatement emportés par la dite catastrophe.

Ce roman est d’un optimisme presque excessif, lequel est probablement la cause de son succès durable. Nous apprendra-t-il à faire face aux catastrophes à venir, qui incluront guerres et conflits, pillages et volontés de domination ? Il fournira, en tout cas, un idéal, un espoir, même si l’idée de renoncer aux acquis de la civilisation, technologies et sciences, est contestable (cf. la référence à Ravage).

 

On peut remarquer que ce roman est paru dans la collection blanche de Folio, pas dans la collection SF. Comme il était initialement paru chez Hachette en collection Grands Romans, sous le titre Un pont sur l’abîme, avant de reparaître en 1980 sous son titre original chez Ailleurs et demain en collection Classiques, et de nouveau en 2008 aux éditions Fage comme « littérature générale ». Une volonté de Gallimard, après Hachette et Fage, d’en faire une « œuvre littéraire » hors « genre » et de mépriser la science-fiction ? Il me semble que Folio a déjà publié Barjavel presque uniquement en collection blanche, même récemment.

 

La Terre demeure, par George R Stewart, traduit par Jeanne Fournier-Pargoire, Folio n° 7139, 2022, 525 p., couverture d’après Joe Webb, F9, ISBN 978-2-07-295243-2

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