Solaris n°182

Auteur / Scénariste: 


« Psychanalyse (sauvage) des grands thèmes de la science-fiction » : sous ce titre austère se cache un brillant essai d’Elisabeth Vonarburg. Voilà qui n’est pas trop fréquent à l’intérieur d’une revue et qui fait tout le prix de ce numéro. En quelque 42 pages, « l’égérie de la SFQ » aborde les grands thèmes en quatre parties : l’espace, le temps, la société et les êtres. Partant du postulat que la SF est une littérature d’hypothèses suivie de déductions et soumise à l’idée de Progrès héritée de la pensée judéo-chrétienne (il faut gagner son Salut), Vonarburg invoque l’utopie pour suivre l’évolution historique des thèmes. Ainsi la SF voyagera dans l’espace à la recherche d’un ailleurs autre, physique ou purement aventureux, de dimensions différentes, de mondes intérieurs. Ainsi elle parcourra le temps, élastique, parallèle ou uchronique. Elle étudiera la société : « On ne décrit plus tant ce que l’on souhaite que ce que l’on craint ». Les êtres, enfin, ce sont les « autres » : extraterrestres bien sûr, mais aussi mutants, androïdes, cyborgs, robots, jusqu’à l’Intelligence Artificielle et la post-humanité. Dans une langue claire et directe, Vonarburg brosse un panorama remarquable de densité et de clarté, à lire et à relire sans modération.

Le caractère « imprévisible » de Solaris, souligné avec fierté par Joël Champetier dans son éditorial, s’exprime parfaitement dans ce numéro. Après l’essai de Vonarburg vient en effet un bel article de Mario Tessier sur… la poésie scientifique. Dès l’Antiquité, en effet, les découvertes du monde ont été célébrées en vers, didactiques puis illustratifs. L’auteur témoigne d’une jolie érudition et cite de nombreux poètes, de Lucrèce à… Jean-Louis Trudel. Très original.

Restent les fictions, au nombre de cinq. J’y distingue « Pièces détachée » de Martin Mercure. Le marin Thibault perd son oreille à l’issue d’une lutte et se voit licencié. Un prêtre de Cys le charitable lui raconte que son dieu offrait des parties de son corps et Thibault reçoit une nouvelle oreille. Sa femme lui crevant un œil, il s’empare de celui du prêtre, don de Cys. Celui-ci, sous la torture, lui révèle le nom des détenteurs des autres parties du corps divin : la langue, une main et le phallus. Ivre de puissance, Thibault part à leur recherche. Mais il semblerait qu’il y eût une relique ultime… Une pure merveille dans le style R.E. Howard ou C.A. Smith.

Les textes de Vonarburg, de Tessier et de Mercure font de ce Solaris 182 un numéro d’exception.

www.revue-solaris.com

Type: