Reine en jaune (La)

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L’auteur

Auteur culte, comparé à Stephen King dans ses œuvres les plus sombres, à un John Ajvide Lindqvist sous stéroïdes ou au maître de l’horreur H.P. Lovecraft, Anders Fager, né en 1964, vit à Stockholm. Ex-dyslexique, ex-punk, ex-geek, il fait paraître entre 2009 et 2011 trois recueils de contes d’horreur, dont Mirobole publie en janvier 2014 une sélection en un seul volume Les Furies de Borås.

Source Mirobole

 

La beauté du diable pour l’écriture, le génie du mal pour la construction… Anders Fager revisite les grands thèmes du fantastique pour créer sa propre mythologie contemporaine à travers des histoires qui font surgir un univers fiévreux peuplé de forces maléfiques, ou le monstre n’est jamais celui qu’on croit.À Trossen, les résidents de la maison de retraite se regroupent au troisième étage pour des rites venus d’un autre âge ; Les deux frères Zami et Janoch escortent Grand-Mère pour un long voyage – Grand-Mère qui gronde parfois, ou montre les crocs ; pour My l’artiste, la femme bafouée, le chef-d’œuvre ultime ne peut se concevoir sans sacrifices ; à Bodskär, dans la baie plongée dans les ténèbres, quelque chose émerge des flots…

Découvrez un Lovecraft version trash et rock ‘n’roll pour une véritable et très angoissée chronique sociale.

 

5 nouvelles savoureuses composent ce recueil

 

Le chef-d’œuvre de mademoiselle Witt

L’histoire hallucinante et hallucinée d’une artiste très branchée porno qui va rencontrer les gens de Carcosa et en faire les frais. Son œuvre ultime, un véritable chef-d’œuvre la conduira aux frontières de la folie furieuse.

Un côté Hellraiser, du sexe violent et qui ne connaît à priori aucune limite, une artiste qui assume et qui paye cher cette notoriété sulfureuse. Au-delà de la sempiternelle question « peut-on appeler cela de l’art ? », nous voilà plongés dans les méandres de la ville imaginaire de Carcosa, des Hyades. Mademoiselle Witt ne reconnait pas le signe jaune, dommage pour elle… Le mal absolu rode et la proie est belle à croquer.

Un parfum de Bergman dans ce texte mais aussi de Dario Argento, et de Luis Buñuel et son chien andalou.

Une construction parfaite comme pour tout le nouveau du recueil.

 

Cérémonies

Des petits vieux bien dépravés vivent des expériences très immorales au sein de leur maison de retraite.

Ces résidents plutôt singuliers organisent des soirées très particulières teintées de sorcellerie.

Le chiffre 3 revêt une importance toute particulière : les résidents meurent par 3, vivent au 3e étage… Or dans le Necronomicon, Yog-sothoth est identifié comme similaire à Chorozon dont le nombre est 333. Quand on découvre que ces petits vieux pas du tout tranquilles tentent d’ouvrir un portail, le doute n’est plus permis.

Cela sent mauvais l’urine et les selles, on y parle de couches à changer, de déambulateurs… La vieillesse dans tout ce qu’elle a de plus indigne. Un pur délice.

 

Quand la mort vint à Bodskär 

Des militaires ultra entraînés ont pour mission de rayer de la carte un village insulaire où les Russes, leurs ennemis déclarés, doivent se trouver… Mais arrivés sur l’île c’est une bien autre population qui les attend et les choses vont tourner au drame.

Un hommage évident au Cauchemar d’Innsmouth de H.P. Lovecraft. La folie des hommes qui cherche désespérément à éliminer tout ce qu’elle ignore et lui fait donc peur, une réflexion intéressante…

 

La reine en jaune

Nous retrouvons l’artiste mademoiselle Witt enfermée dans un asile. Elle doit sortir, son œuvre n’est pas finie…

Au-delà de l’évocation lovecraftienne, nous sommes confrontés à une violence terrible dans l’hôpital psychiatrique où est enfermée l’artiste, elle y est battue, violée sans relâche jusqu’à ce qu’elle finisse par rentrer dans les clous. Effrayant.

 

Le voyage de Grand-mère 

2 frères Zami et Janoch vont traverser l’Europe pour aller chercher Grand-mère qui va accomplir un long voyage. Très rapidement la véritable nature des 2 garçons se révèle et l’on comprend alors que leur « mamie » ne va pas être facile à vivre durant le périple.

Le texte le plus drôle de ce recueil. Ces deux « garçons « sont truculents, confrontés au monde des humains qu’ils n’ont pas l’habitude de côtoyer et qui les met mal à l’aise… Un petit côté Robert Rodriguez même si ces deux-là ne sont pas des vampires mais des créatures bien plus répugnantes. Un grand moment…

 

Les fragments

5 courts textes séparent les nouvelles, dans ces fragments nous retrouvons les protagonistes du reste du recueil et nous en apprenons un peu plus sur eux.

 

Je suis bien embêtée avec ce recueil de nouvelles…

Le style de l’auteur que j’avais découvert avec plaisir dans le précédent opus Les furies de Borås est très intéressant. Des phrases courtes, percutantes, une vraie maîtrise de la répétition lancinante qui enveloppe notre esprit comme une mélopée maudite… De l’humour, beaucoup d’humour surtout dans sa dernière nouvelle. Un regard cru et sans complaisance qui se moque bien du politiquement correct… Je comprends parfaitement que l’auteur soit considéré comme un phénomène littéraire.

Malheureusement une chose me gêne avec Fager. Ce recueil encore plus que le précédent est un hommage permanent aux auteurs qu’il admire. Il est peut-être impossible pour un lecteur non averti de comprendre ces nouvelles. J’entends par là qu’à moins d’avoir une solide culture concernant les œuvres de Robert W. Chambers (Le roi en jaune), Ambrose Bierce (Un habitant de Carcosa), H. P. Lovecraft (Le cauchemar d’Innsmouth) … on passe complètement à côté de ces textes.

Je n’en étais pas sûre. En tant qu’ancien maître de jeu de l’appel de Chtulhu, j’ai lu tous ces auteurs et je suis habituée à côtoyer : profonds, goules, Yog-sothoth, Byakhees et autres monstruosités… Alors je me suis tournée vers d’autres lecteurs qui, eux, ne possédaient pas les références en question et ce que je redoutais s’est révélé exact. Ils n’ont pas compris ce recueil et même si tous reconnaissent le talent de l’auteur, tous sont passés à côté de ces récits.

La mise en abyme permanente pratiquée par Fager qui, non content de reprendre les thèmes de ses maîtres, reprend inlassablement ses propres œuvres est autant fascinante que lassante. J’entends par là que pour tout lecteur amoureux de l’univers lovecraftien ces textes sont comme du petit lait mais j’aimerais enfin lire du Fager. Voir ce qu’il a vraiment dans les tripes dès qu’il s’écarte des succès de ses pairs.

A suivre de très près.

 

Reine en jaune (la) par Anders Fager, traduit par Carine Bruy, conception graphique par Chloé Madeline, Couverture : iampuay, Noppanisa Chatawongvilai, Éditeur Mirobole, 22 €, isbn 978-2-37561-052-7

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