Métaphysique du vampire

Auteur / Scénariste: 
Illustrateur / Dessinateur: 

Le roman de Jeanne-A Debats reparaît, accompagné par trois des nombreuses nouvelles qu’elle a consacrées à ce même vampire, Navarre (rebaptisé Raphaël par ses employeurs du Vatican). Contrairement à Jean Marigny dans sa postface, je ne trouve pas que ces nouvelles procèdent de « genres » différents, mais que, comme le dit Jeanne-A, elles sont toutes de fiction spéculative, même si les personnages de vampires, de loups-garous, voire de dieux (vaudous, aborigènes) ou de héros légendaires sont tirés des littératures fantastique et féérique avec, de surcroit, les caractéristiques traditionnelles de ces personnages dans ces littératures. L’écriture des récits, la construction des intrigues, ne changent pas d’un récit sur l’autre, il n’y a pas lieu de prétendre qu’il y aurait des changements de « genre » et je crois la fiction spéculative (SF) assez multiforme pour que toute l’œuvre en fasse partie. Ou, si on s’en tient à l’appel au surnaturel, on classera l’ensemble des textes dans le fantastique...

 

Nous sommes donc dans une réalité où existent des vampires conformes aux règles traditionnelles et, en particulier, sensibles aux objets sacrés (et pas seulement à ceux liés à la religion chrétienne). De temps à autres le narrateur, et héros, nous propose des explications parascientifiques, conformément à l’esprit spéculatif des récits. Notre vampire, Navarre (j’ai cru lire dans un texte qu’il se prénomme Philippe), né au quatorzième siècle, se balade dans les quatre textes de ce volume entre 1936 et 2112 (avec un retour au 19e siècle via machine temporelle) pour affronter différent monstres, généralement humains, en particulier des nazis. Et même un de ses semblables, qui voudrait devenir le Maître d’un monde soumis aux vampires. Les nazis interviennent dans deux récits, celui de la chasse à un criminel réfugié au Brésil, en 1960, et celui de la destruction d’une tentative de création d’une super-arme à base ésotérique en 1943. Le voyage dans le temps, retour au 19e siècle, a été évoqué précédemment, je ne le déflorerai pas davantage. Le récit futuriste nous donne, en toile de fond, un futur assez sombre, mais dans lequel la conquête spatiale a néanmoins repris et permis la création de colonies extra-terrestres. Et où des mutants (en partie consécutifs à des conflits nucléaires) partagent les dites colonies avec les humains « normaux ». Les talents de Navarre lui permettront de résoudre un meurtre qui aurait pu causer une crise politique particulièrement grave. Dans tous ces récits, Navarre, malgré son caractère de prédateur anarchiste et son mépris profond des humains, va néanmoins restaurer l’ordre et la normalité menacés par plus criminel que lui. Non sans un sens de l’humour qu’il tient, visiblement, de sa créatrice (les allusions à certain débat sur la métaphysique ne sont parfois accessibles qu’à un participant au dit débat, c’est dommage).

 

Ceci étant cette série de textes reste du niveau « fantaisie » : créer un monde plus ou moins possible, mais certainement imaginaire et y promener un lecteur amusé, sans creuser en profondeur les problèmes philosophiques ou (horresco referens) métaphysiques associés à notre réalité. C’est aussi une des formes de la SF, non ? A moins de ne s’intéresser qu’aux livres sérieux et aux réflexions approfondies sur l’éthique et l’avenir de notre monde, il donnerait plutôt envie de trouver et lire les nombreuses autres aventures de Navarre non reportées dans ce volume, voire d’attendre avec une certaine impatience (le lecteur n’a pas la durée de vie d’un vampire) une compilation chez « Bouquins » ou « Omnibus », ou, mieux encore, une Intégrale chez Mnemos…

 

Métaphysique du vampire, par Jeanne-A Debats, Mnemos série Helios n°36,2015, 374 p., illustré par  Damien Worm, 9€, ISBN 978-2-917689-91-2

Type: 

Ajouter un commentaire