Au revoir là-haut

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Un auteur de polar devient Prix Goncourt. Ce n’est pas tous les jours que cela se produit, ça c’est certain. Comment l’auteur de polar très noir avec son célèbre inspecteur Camille Verhoeven peut gagner le prix francophone le plus prestigieux de la littérature ? C’est simple… En écrivant un très bon livre…

Né en 1951, Pierre Lemaitre est arrivé tard dans le monde des livres. En effet, il publie son premier roman Travail soigné en 2006, il avait donc 55 ans. Suivent en 2009 Robe de marié, en 2010 Cadres noirs, Alexen 2011, et Sacrifices en 2012. Des romans très noirs, très sombres où l’âme humaine est mise à rude épreuve. Mais à chaque fois des textes ciselés à la psychologie des personnages très fouillées.

Et voila qu’en 2013, Pierre Lemaitre nous arrive avec Au revoir là-haut, un roman sur la Guerre 14-18 qui n’a rien à voir avec sa production habituelle, quoique…

Sur les ruines du plus grand carnage du XXe siècle, deux rescapés des tranchées, passablement abîmés, prennent leur revanche en réalisant une escroquerie aussi spectaculaire qu’amorale. Des sentiers de la gloire à la subversion de la patrie victorieuse, ils vont découvrir que la France ne plaisante pas avec ses morts…

Fresque d’une rare cruauté, remarquable par son architecture et sa puissance d’évocation, Au revoir là-haut est le grand roman de l’après-guerre de 14, de l’illusion de l’armistice, de l’État qui glorifie ses disparus et se débarrasse de vivants trop encombrants, de l’abomination érigée en vertu.

Dans l’atmosphère crépusculaire des lendemains qui déchantent, peuplée de misérables pantins et de lâches reçus en héros, Pierre Lemaitre compose la grande tragédie de cette génération perdue avec un talent et une maîtrise impressionnants.

Je ne pensais pas qu’un sujet comme la Guerre 14-18 m’aurait un tant soit peu intéressé. Il est vrai que les analyses psychologiques sont magistrales et dépassent le simple fait de guerre. Les personnages en proie aux divers tourments sont attachants. Le revirement des sentiments du père pour le fils « disparu » est magistralement et pudiquement décrit. Quant à la solidarité entre ces deux hommes, elle rassure sur l’avenir possible du genre humain. La guerre a permis à deux personnages de se rencontrer, deux personnes venant de deux mondes différents.

Vraiment rien à voir avec ses autres romans. Même l’écriture.

Surprise finale. Belle affirmation (voire confirmation) des analyses de caractères avec quelques évolutions et revirements étonnants pour certains.

Une entrée dans le monde de la douleur et des tentatives pour en sortir. De ce point de vue, il m’a (un peu) fait penser au roman biographique de Philippe Besson Les jours fragiles où il raconte la descente aux enfers de Rimbaud.

Un roman qu’on ne lâche que difficilement et qui est peut-être un peu différent des Goncourt habituels. Un très bon livre par un excellent écrivain

Pierre Lemaitre, Au revoir là-haut, Albin Michel

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