LEDUN Marin 01

Auteur / Scénariste: 

D’où est donc venue l’idée de cette famille complètement barge ?

Bonjour. La famille Mabille-Pons est née de l’envie d’aborder, dans un format « noir », la question des petites résistances quotidiennes à l’air du temps. Il me fallait des personnages qui fonctionnent ensemble comme une sorte de tribu, liés, soudés par un sentiment de solidarité fort, par opposition à l’individualisme qui prévaut dans la société et dans une large part des littératures policières en vogue. L’amour qui les lie, les excès d’Adélaïde, la mère, la folie de douce de Rose, la narratrice, qui a choisi, après des études littéraires, d’animer des lectures / discussions dans un salon de coiffure, sont autant de prétextes à secouer les idées convenues, à rire des travers de la petite société bien-pensante de la ville et à se moquer avec tendresse et parfois vacherie de nos petites lâchetés quotidiennes.

 

C’est un vrai changement pour vous, cet univers quelque peu décalé. Qu’est-ce qui a provoqué l’envie de cette écriture ?

Je voulais également montrer que résister n’est pas un acte uniquement violent et habité par la colère, mais aussi le fait de l’amour, de la fête, du rire, comme formes de résistance. La famille/tribu Mabille-Pons dit « non », par principe, à la stupidité ambiante, à la bêtise, à la haine, au rejet de l’autre, mais elle le fait aussi dans la joie et la bonne humeur, comme pour les désamorcer avant de s’y attaquer. Voilà pourquoi Salut à toi ô mon frère peut paraître, faussement je crois, décalé dans ma bibliographie. La littérature noire est une forme de résistance, j’en suis convaincu, souvent à travers des personnages et des histoires très sombres, mais jouir, c’est aussi résister. Jouir par la rire, par le quiproquo, les jeux de mot, la moquerie, la caricature.

 

L’intrigue « policière » prend rapidement une importance toute secondaire dans le roman, avez-vous imaginez, un instant, vous en passer complètement pour raconter la vie, déjà mouvementée, de votre famille ?

Dans le roman noir en général, et contrairement au roman policier, l’intrigue policière n’est souvent qu’un prétexte pour parler du monde dans lequel nous vivons, le décrire. Le roman noir, c’est un point de vue sur le monde, qu’il soit sombre ou joyeux, comme c’est le cas dans Salut à toi. Mais l’intrigue est un prétexte nécessaire parce qu’elle agit comme un révélateur et sert de fil rouge. Salut à toi, c’est à la fois l’histoire déjantée de la famille Mabille-Pons, mais c’est aussi une mise à distance du genre policier et un clin d’œil sur ma propre pratique de l’écriture (douze ans, déjà…). Je m’amuse avec les codes du genre, mon lieutenant de police s’appelle Personne, c’est une gosse de vingt-et-un ans qui mène l’enquête, etc.

 

Mêler humour et « noir », ce n’est pas vraiment une tradition en littérature francophone. Mis à part San Antonio l’intouchable, le mélange de genre est vu avec une certaine méfiance. Y avez-vous pensé en écrivant ?

Détrompez-vous, on rit beaucoup dans le roman noir – en tout cas, je ris énormément ! On rit avec les mots, les situations, la langue, les références. Il m’est même arrivé de rire en lisant certains passages potaches d’Underworld USA de James Ellroy ou quasiment en continu dans l’œuvre d’Harry Crews ! Le roman noir français n’est pas en reste avec Pennac, Benacquista, Pouy et bien d’autres. Je crois même que c’est l’une des caractéristiques premières du roman noir : écrire le plus sérieusement du monde, sur des sujets sérieux, sans jamais se prendre au sérieux. Rire de tout, mais jamais au détriment de. Rire avec. Rire pour mieux résister.

 

Verra-t-on cette folle famille vivre d’autres aventures ?

Je veux ! Un nouveau volet des « aventures » de la famille Mabille-Pons est d’ores et déjà rédigé et paraîtra au printemps prochain à la Série Noire des éditions Gallimard.

 

Critique du livre Salut à toi, O mon frère ici

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