Galaxies Nouvelle Série n°24

Un numéro exceptionnel, pour trois particularités.Tout d’abord le dossier consacré à André Ruellan, que beaucoup connaissent aussi sous son pseudonyme de Kurt Steiner. Patrice Lajoye réussit un beau portrait de l’auteur du Disque rayé et de Tunnel (pour ne citer que ses romans les plus célèbres), portrait classique incluant présentation, interview et parcours bibliographique. J’ai eu la chance de le rencontrer à la convention de Bellaing en 2009. Ruellan, comme Wul ou Carsac, est un peu un auteur français mythique, qu’il est heureux de remettre à l’honneur. Et puis, n’a-t-il pas écrit le diptyque Aux armes d’Ortog - Ortog et les ténèbres, l’une de plus grandes réussites de la SF française ?

Deuxième particularité de ce numéro : un petit dossier consacré à la SF chinoise. Oui, vous avez bien lu, chinoise. Rare, ça. Hugo van Gaert interviewe Wu Yan, auteur et professeur titulaire de la chaire de SF à l’université de Pékin. Il retrace l’historique de la SF dans son grand pays, de la période de la République jusqu’à nos jours en passant par la révolution culturelle. Document intéressant, mais qui n’évite pas une certaine langue de bois. Sa nouvelle, Le tapis de souris, est amusante : et si votre tapis était un extra-terrestre ?

Avant que de passer à la troisième particularité, parlons des fictions. On en lit trois, hors la chinoise déjà citée. Cuisine kitzyn de Philippe Curval (aussi cité !) est un peu vancien en le sens où le récit approche une civilisation par sa cuisine et... sa religion. Car les deux, ici, sont intimement liées. Le très prometteur Jean-Michel Calvez relate, dans Miracle 2.0, une expérience spirituelle brillante : une infirme ne peut pas se payer le pèlerinage à Lourdes, mais le vivra virtuellement. Et, miracle, elle marchera à nouveau ! Quant à Obsolescence, contribution spéciale de Ruellan au dossier à lui dédié, la nouvelle décrit les progrès d’une curieuse maladie genre Alzheimer.

Niveau vieillerie, deux articles : l’un sur Norbert Sevestre et son Char fantastique (1927) et l’autre sur John-Antoine Nau, l’auteur de Force ennemie, premier Prix Goncourt (1903).

Last, but not least – et troisième particularité de ce numéro : un CD inclus ! Galaxies voulait rappeler l’anniversaire de la mort de Roland C. Wagner, décédé il y a juste un an : avec l’accord de son épouse et des musiciens de Brain Damage, Galaxies réédite le CD déjà paru dans Géante rouge n°18. Court (27’). Car Roland, aux côtés de sa brillante carrière d’auteur SF, était aussi un musicien passionné, chanteur et auteur des paroles du groupe. Six chansons sont reprises parmi lesquelles il faut signaler la première, Quand le paysage se déchire, très vive et évoquant un peu Machiavel, Eternité, rythmée (excellent, le batteur) avec quelques influences orientales, tout comme dans la superbe Lobotomie (avec intervention parlée de Roland), long morceau de plus de huit minutes, rappelant parfois Pink Floyd (celui d’Ummagumma). Un bel hommage.