Galaxies Hors Série 2011 : La filière belge

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Cet Hors Série important était annoncé, je vous l’avais dit lors de la critique du n°13. Le voilà donc et il tient magnifiquement ses promesses !


L’éditorial de Pierre Gevart retient trois raisons pour cette parution : l’exceptionnelle richesse de l’Imaginaire belge, la crise identitaire que vit notre pays et le décès de l’un de ses plus illustres représentants : Alain Le Bussy. Le numéro débute par un essai extrêmement riche de Dominique Warfa, figure phare de la Belgique de l’Imaginaire. Sous le titre “Les possibilités d’une science-fiction”, il décline en 50 pages un historique impeccable de la SF belge de 1830 à nos jours, de Rosny Aîné à Amélie Nothomb. Une étude fouillée et remarquablement documentée (le corpus de notes est fourni). Un peu universitaire ? Tant mieux. Cet essai restera : en cinq “époques”, Warfa analyse l’évolution de la SF belge, avec zooms sur la période “Marabout” et sur le fandom. Si vous y unissez le chapitre consacré à la littérature belge dans le “Panorama de la littérature fantastique de langue française” de Jean-Baptiste Baronian (La Renaissance du Livre), vous aurez un tableau total de l’Imaginaire dans notre pays.

Dans son style bien personnel, feu Alain Le Bussy esquisse ensuite sa propre histoire de la SF francophone, en un discours qu’il eut dû donner à l’Université de Barcelone. Un beau texte-testament, suivi par un interview avec Pierre Gevart pour “Géante rouge” en 2006. Comme tout cela résonne étrangement, à présent…Suit un ensemble de neuf nouvelles belges, introduites par un texte de Le Bussy intitulé …La Dernière danse avec la mort. Texte prémonitoire sans doute, mais texte superbement poétique. Très différent, mais tout aussi éblouissant, Moi, Elmyr Schatz, en ma vie infinie d’Alain Dartevelle relate les folies d’un mégalomane amoureux des femmes et des …poules d’eau de Titan, monstres extraterrestres de profondeurs lointaines. Superbe, concis et magnifiquement écrit. Une lettre curieusement affranchie mènera le héros à un enfer aussi original que terrifiant dans Service des rebuts de Serge Delsemme, bel exemple de fantastique canonique.

Les nouvelles d’Anne Smulders, d’Odile Kennel et d’Adriana Lorusso tiennent de la prose poétique et de la SF ironique. D’une gare à l’autre de Christian Simon évoque l’horreur quotidienne d’un Michel Rozenberg, tout aussi fasciné par un temps qui se désarticule, ici à la gare des Guillemins à Liège. Frank Roger, dans Fracture temporelle dans la tour de l’espoir, concocte un de ces petits récits d’anticipation simple, cynique et cruel dont il a le secret. Quant aux archi-courtes “Micronouvelles” de Vincent Bastin, je ne résiste pas à en vous citer une, intitulée “Interprétation des sources “ : “ Voici donc les restes de quelques pièces de la monnaie avec laquelle cette civilisation arriérée devait procéder aux échanges commerciaux, soupçonnait l’archéologue jupitérien en découvrant, sur Terre, quelques capsules de bouteilles de bière.”

Ne croyez pas que ce numéro copieux se termine déjà. Non. Après un petit quizz très rigolo détournant “à la belge” des titres de classiques de la SF, nous passons à une analyse serrée de la BD, domaine belge par excellence, rédigée très savamment par Alain Dartevelle, de “Timour” à “Flagada” en passant par les inévitables Blake & Mortimer et Bob Morane. Tiens, à propos de Bob Morane : depuis 1953, Henri Vernes a enchanté les amateurs d’Imaginaire belge, d’aventures certes, mais aussi de fantastique et de SF dès Les Faiseurs d’univers en 1955.

Michel Vannereux trace dès lors le parcours SF des aventures du Commandant : Les Monstres de l’espace, Opération Atlantide, Les Géants de la Taïga, Les Cavernes de la nuit, ou le génial Krouic, il y en a tant. Il insiste évidemment sur cette chère Ombre Jaune alias Monsieur Ming et le fabuleux “Cycle du Temps” puis sur un autre cycle, purement fantastique lui, celui d’Anankè.

Cerise sur le gâteau : un interview d’Henri Vernes lui-même. Comme vous le voyez, voici un numéro tout à fait exceptionnel, à conserver très précieusement : un numéro aussi passionnant que le pays auquel il est consacré !

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Commentaires

Trop gentil, Bruno ! Mais le travail de Pierre Gévart sur ce numéro le vaut bien...