De si bonnes mères

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Dans le Parc naturel régional de Brière, près de Guérande, deux îles abritent une petite communauté où habitants de toujours et nouveaux arrivants sont soudés autour d’un restaurant et d’un bistrot. Mais ce monde apparemment très convivial cache un criminel qui mutile et assassine des femmes. Dépêchés sur les lieux, Céleste et son fidèle lieutenant, Ithri Maksen, doivent déchiffrer les signes laissés par le tueur. Or comment démasquer un monstre qui ressemble à tout le monde ? 

Après Les beaux mensonges, je n’ai pu résister à l’envie de continuer avec De si bonnes mères et je remercie chaudement les éditions Presses de la cité, via NetGalley France pour cette opportunité et leur confiance.

De si bonnes mères, paru précédemment sous le titre Vena Amoris, met en scène la deuxième enquête de Céleste Ibar depuis qu’elle a repris le collier après son agression et sa convalescence. Mais que ceux qui n’ont pas lu Les beaux mensonges auparavant se rassurent : leur compréhension n’en sera pas entravée pour autant. D’ailleurs, l’entame du roman les mettra directement dans le bain en relatant les détails du supplice que la capitaine a subi, par le biais d’un retour en arrière. Attention cependant, la scène est extrêmement dure !

C’est là l’un des nombreux aspects de ce polar, qui frôle le thriller d’un peu plus près que le précédent. Les scènes sanglantes sont décrites de manière plus que réalistes et l’auteure ne lésine pas sur les détails, ce qui ne manquera pas de plaire aux fans de gore. Néanmoins, elles ne tombent jamais dans l’outrance, ne sont là que pour servir l’histoire et ne relèvent pas du voyeurisme facile que je déplore si souvent.

Tout comme la première, cette histoire ressemble à un écheveau complexe dont l’auteure entortille les fils à plaisir et d’où nous essayons de les tirer afin d’y voir clair. Mais ce n’est pas si facile : l’intrigue est maîtrisée de main de maître, les rebondissements et les fausses – ou vraies – pistes sont nombreuses et la fin nous prend par surprise alors même qu’on pensait en avoir entrevu une autre.

Les personnages sont une fois de plus très nombreux mais aucun, pas même parmi les secondaires, ne fait l’objet d’un traitement bâclé ou superficiel. On en apprend beaucoup plus sur les principaux et on découvre avec surprise, mais surtout avec tendresse et commisération, une autre facette de Céleste, très émouvante et bien éloignée de la façade d’iceberg qu’elle présente ordinairement. Les émotions sont retranscrites à la perfection grâce à la plume très précise, presque chirurgicale de l’auteure qui, je dois le reconnaître, s’est encore affinée. Céline de Roany a cette manière impressionnante, ce don de nous happer dès le début et je crois, même si l’histoire est captivante et l’intrigue savamment construite, que c’est en grande partie dû à cette belle écriture, à ces mots choisis, qui ne sont pas vides de sens et véhiculent réellement quelque chose : des histoires, des personnes concrètes, des idées, des sentiments… bref, tout un monde dans lequel on se retrouve presque comme un protagoniste à part entière.

Dans De si bonnes mères, les sujets abordés sont forts, multiples et variés, sans pour autant être trop nombreux et tendre au délayage : l’amour, la sexualité, le couple, la maternité et la famille bien sûr, mais aussi le mensonge, les apparences, le droit à la différence, les difficultés de la vie dans des coins reculés et l’isolement. On y trouve également des pistes de réflexion sur la guerre des polices qui subsiste encore et la place des forces de l’ordre dans un pays où elles sont détestées par principe, qu’on accuse de tous les maux et à qui on ne donne plus le droit de se défendre. Leur musèlement, leur mal-être et le manque de respect à leur encontre ainsi qu’envers leur serment et plus généralement la grande difficulté qu’elles ont à exercer leur métier sans s’y perdre sont aussi évoqués.

 

Perdre sa capacité à discerner les nuances est l’un des dangers qui menacent les représentants de l’ordre. La tentation est grande de voir le monde en noir et blanc, de tracer une ligne entre les gentils et les méchants, entre le droit et la morale, entre le tolérable et l’inacceptable.

 

Si je n’avais qu’un conseil à vous donner, ce serait de ne surtout pas laisser passer ce bouquin qui frise, selon moi, la perfection dans le genre.

 

Parue sur Beltane (lit en) secret

De si bonnes mères, Céline de Roany, aux éditions Presses de la Cité, 21,00 €

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