Dans les forêts de Sibérie

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J'ai acquis une isba de bois, loin de tout, sur les bords du lac Baïkal. Pendant six mois, perdu dans une nature démesurée, j'ai tâché de vivre dans la lenteur et la simplicité. Deux chiens, un poêle, une fenêtre ouverte sur un lac suffisent à l'existence. Tant qu'il y aura des cabanes au fond des forêts, rien ne sera tout à fait perdu.

 

Partir, partir seul dans l'un des endroits les plus hostiles et les plus désolés au monde : la Sibérie. Partir vivre dans une cabane à plus de 100 kilomètres du premier village, sans voisins proches, sans manifestations de vie hormis celle de 2 chiens, de quelques ours et de saumons. Partir avec pour bagages : des cigares, 60 livres, de la vodka, beaucoup de vodka et du vague à l'âme. C'est déjà être Russe dans l'âme.

Partir en hiver par - 30° celsius en moyenne, grelotter le matin, avoir le sentiment de mourir avant de réussir à allumer le feu, profiter du banya avant de se jeter dans le lac Baïkal gelé, écouter gronder la glace lors des variations de températures et entrer en soi, apprendre à se connaître, à s'écouter et vivre. Survivre avec soi pour seul ennemi, seul allié, seul repère.

S'éloigner le plus possible du lišnij čelovek, cet homme superflu que j'ai découvert chez Pouchkine et appris à mieux cerner avec Tourgueniev... Etre et ne pas paraître. Etre et vivre. Juste vivre.

Alors le récit de Sylvain Tesson est inégal et cela m'a laissé un goût amer. Tous les passages sur sa contemplation de la nature, sa réflexion sur la condition d'ermite, l'indifférence de la Taïga sont magnifiques voire magiques. Parfois malheureusement, souvent même, la langue est trop plate et les lieux communs fleurissent. Mais cela ne doit pas gâcher la lecture de ce qui reste un récit d'expérience intérieure riche, hors du commun et pleine d'enseignement.

En lisant Sylvain Tesson m'est revenue en mémoire une citation de Søren Kierkegaard

Prenez l’élève du possible, mettez-le au milieu des landes du Jutland où rien ne se passe, où le plus grand événement est l’envol d’un coq de bruyère ; sa vie y sera plus pleine, plus exacte, plus profonde d’expérience que celle de l’homme applaudi sur la scène de l’histoire mais que n’a point formé le possible.

 Pour le philosophe, le possible est le remède au désespoir ; je pense sincèrement que Sylvain Tesson a fait la rencontre du possible sur les rives du lac Baïkal et qu'il en est revenu autre. C'est cet autre que j'ai envie de suivre et de découvrir.

 

Dans les forêts de Sibérie par Sylvain Tesson aux éditions Folio,  ISBN 978-2-07-282197-4, prix 8,60 €  

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