DUFOUR Catherine 02

Auteur / Scénariste: 

A l’occasion de la parution de « L’histoire de France pour ceux qui n’aiment pas ça », Catherine Dufour a répondu à quelques petites questions.


Quelle audace, réécrire l’Histoire de France en passant par le vomi, les pustules, le sexe et les excréments ! Mais comment nait l’idée de ce genre d’ouvrage et surtout sur ce ton et ce contenu ?

Savez-vous ce que serait l’être humain sans le sexe ? Une espèce rare. Et sans les excréments ? D’une humeur exécrable. Quant aux pustules et au vomi, je rassure mes hypothétiques lecteurs : il n’y en a guère dans mon livre. Je leur ai préféré les bubons de la Peste Noire et les fistules du cavalier, maladies infâmes dont nous sommes heureusement débarrassés.

Plus largement, disons que j’ai tenté, dans ce livre, d’aborder l’histoire de France par des aspects concrets. Je les crois plus faciles à retenir que les sempiternelles listes de guerres et de traités de paix qui s’effilochent dans la mémoire faute de motivations claires.

En fait, tout a commencé avec mon fils âgé de 10 ans qui m’a demandé :

- Maman ? Napoléon, c’est avant ou après Charlemagne ?

D’horreur, j’ai pondu un livre. Il n’est pas exactement pour les enfants. _ Ce n’est pas tant à cause du sexe et des pustules qu’à cause des histoires de bébés morts. Ce que nos ancêtres devaient endurer à ce niveau est aussi horrible que le reste.

Prenez un gamin qui joue à « Angry birds. Dites-lui :

- Maintenant, nous allons voir le traité de Picquigny.

Dites-lui :

- Le traité de Picquigny a été signé en 1475 entre le roi de France Louis XI et le roi d’Angleterre…

Là, logiquement, le bambin en est au cochon congelé (Angry birds in the space, niveau 30). Mais si vous dites :

- 1475. Louis XI va à la rencontre du roi d’Angleterre. Celui-ci vient de débarquer à Calais avec vingt mille soldats et l’intention de se faire couronner roi de France. Louis XI n’a pas autant de soldats mais trois cents chariots remplis de vin. Aimable et généreux, il les offre aux Anglais. Le lendemain, planté au milieu de son armée ivre morte, le roi d’Angleterre signe avec Louis XI la fin de la Guerre de Cent Ans.

Là, le bambin rit un coup. Et avec un peu de chance, il aura retenu quelque chose. Et de repère en repère, il finira par savoir s’orienter dans la jungle touffue de l’histoire.

Bien que le livre soit cautionné par un historien, quelles sources d’information trouve-t-on pour avoir ce genre de détails ? Vous êtes-vous enquise des sources des livres que vous référencez dans la biblio ? Les sciences modernes comme celles des autopsies et des analyses scientifiques y sont-elles pour quelque chose ?

La bibliographie de mon livre est très, très concise. L’ensemble de mes sources représente une vie de lectures historiques, avec en tête de gondole Duby. Je peux aussi citer, pour ceux qui sont avides de détails fascinants, des historiens qui savent écrire comme Muchembled et Darnton mais j’ai immédiatement l’impression d’oublier tous les autres : il y en a, pour notre bonheur, un nombre merveilleux.

Depuis quelques dizaines d’année, l’histoire a une vie sexuelle extraordinaire. Lassée de son vieil amant Evénementiel, elle a forniqué avec plein d’autres sciences sociales et a accouché de sciences nouvelles toutes plus « waou » les unes que les autres : anthropologie historique, microhistoire, histoire globale, sociohistoire, « cultural » et « gender studies », servez-vous. Les analyses scientifiques font office de biberon. _ Et pour ce qui est des autopsies, oui, je me suis aussi servie des travaux de Philippe Charlier, médecin-légiste, anatomo-pathologiste et paléopathologiste. Un vrai personnage de Bones.

Y a-t-il pire que ce que vous avez mis ? Vous êtes-vous autocensurée ?

Oui, il y a toujours pire ; j’ai passé mon temps à éviter les abîmes. J’ai zappé l’Inquisition, j’ai shunté les dragonnades, je n’ai pas parlé du sort des orphelins et surtout, j’ai évité tout le XXème siècle : il y a des plaies qui ne supportent pas la plaisanterie. Les gens heureux, voyez-vous, n’ont pas d’histoire.

Si vous voulez, un jour, je vous raconterai l’histoire des reposoirs à répit. Elle est si triste que je n’ai pas encore osé l’écrire... Et si vous avez envie de lire d’autres inédits, j’en ai déposé quelques uns sur mon site, www.catherinedufour.net. En fait, j’ai truffé mon site de tous les tableaux, toutes les statues, toutes les images dont je parle dans mon livre : le gros nez de Louis XI, les jolies fesses de la très jeune maitresse de Louis XV, les bubons de la peste, les pustules de la vérole ET les malformations génétiques des Habsbourg parce que, pour des raisons qui m’échappent, le sujet me met en joie.

Voyez-vous un lien logique entre vos ouvrages précédents et celui-ci ?

Well... Le lien me parait très clair entre ce livre et « Merlin l’ange chanteur », pour lequel j’ai mené des recherches historiques éprouvantes. Disons que me promener de la fantasy la plus médiévale à l’anticipation la plus science-fictive me parait relever du même mouvement de glissade sur le fil du temps. L’histoire, c’est juste un roman qui a vu juste.

Ce livre est très loin des précédents qui touchaient plus à la fantasy ou la science-fiction. Avez-vous fait une pause dans la réalité pour mieux partir dans les mondes à construire ?

C’est une autre façon de voir. C’est vrai que c’est bien, la réalité. Ca donne l’illusion reposante qu’il existe une vérité quelque part (Rire douloureux).

Ultime question : 3 ans d’écart entre deux parutions. Avez-vous avancé sur deux projets à la fois ? Va-t-on trouver une Catherine Dufutur ?

Joli. Je suis actuellement sur un thriller tout à fait vendeur, très Twilight sauf qu’à la place du vampire, c’est un deux pièces. Charme, isolation à refaire.

En cerises de part et d’autre de ce pavé, je viens de mijoter deux petites nouvelles de SF. Maintenant, savoir où et quand et si tout ça sortira, ma foi, l’éditeur est Dieu et je ne suis pas prophète.

Merci de m’avoir suivie jusqu’ici !

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