Bébés de la consigne automatique (Les)

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Retrouver des bébés abandonnés dans les consignes automatiques, n’était pas une chose rare dans les années 90 au Japon. En Europe, on avait quand même compris depuis longtemps que le congélateur, c’était plus discret. Les survivants étaient rares, car dans un casier étroit, sans air, l’espérance de vie d’un nourrisson est clairement très faible.

Kiku et Hashi sont deux rescapés de cet enfer. Ils grandissent ensemble dans un orphelinat, avant d’être adoptés ensemble par une famille qui va essayer de leur apporter l’équilibre qu’il leur a manqué jusqu’à ce jour.

Mon expérience dans le monde de la littérature japonaise est plus maigre qu’un lévrier afghan qui a mangé une palette entière de dragées fuca périmées, mais j’y ai toujours senti une certaine délicatesse, voire de la poésie, comme par exemple dans Les miracles du bazar Namiya. Dans le roman de Murakami, la poésie est le cadet de ses soucis. Ici tout est sombre, crasseux, violent. Heureusement parfois on arrive à prendre un peu de distance avec toute cette noirceur, grâce à un humour bien dosé. Un humour japonais certes, mais auquel j’ai été sensible. (Vous êtes plusieurs à vous demander ce que j’entends par humour japonais ? Lisez le livre, ça sera plus clair que si j’essaye de me dépatouiller avec une explication foireuse).

Marqués au fer rouge par leur entrée chaotique dans notre monde, les deux enfants prennent des chemins qui les font glisser progressivement, loin de la vie de rêve qu’on pourrait leur souhaiter. Tokyo, la ville et ses bas-fonds, loin de celle que visitent chaque année des milliers de touristes, va emporter ces deux âmes perdues, comme dans une lessiveuse qui tourne sans cesse et qui rejète sans ménagement ses proies. Elle en a fait deux hommes, sans repère, sans espoir de lumière, sans limite.

Même adulte, il est évident qu’ils sont encore coincé dans leurs casiers de consigne, la tartine de merde sur laquelle ils sont assis depuis leur naissance les a englués. Ce roman montre à quel point l’abandon n’est jamais passager dans une vie quand elle a conditionné son départ. Au final, cette histoire est une analyse d’une société perdue à jamais, qui ne se redressera jamais de ses travers. La médiatisation du mal, la mise à l’écart de ceux qui ne répondent pas aux critères et aux standards que cherche à nous imposer la société. Une société focalisée sur le paraître…

Ne cherchez pas à vous rassurer en disant que c’est loin le Japon, que ici c’est différent. Ça serait se voiler la face sur notre quotidien. Les bébés de la consigne automatiques par Ryû Murakami, traduit par Corinne Atlan, J'ai Lu

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