Cités de l'espace (Les)

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Comme le signale Jacques van Herp dans sa belle préface, Pierre Barbet fut l’un des rares auteurs français à être traduits et publiés aux États-Unis. À l’instar de Francis Carsac, dont les Éditions Lefrancq publient également les œuvres, Pierre Barbet (1925-1995) est un scientifique (il était pharmacien) dont l’œuvre allie la rigueur aux qualités de conteur. Il est particulièrement connu pour sa brillante fantaisie uchronique "L’Empire du Baphomet" (J’ai Lu). Dans son grand cycle "Les Cités de l’Espace" (1979-1985, publié initialement au Fleuve Noir), Barbet évoque l’envol de l’humanité, envol vers nos planètes proches, puis vers l’univers entier. Tout comme James Blish dans sa célèbre série des Villes nomades, il imagine, dans son premier volume "Oasis de l’Espace", un groupe d’immenses cités spatiales destinées à l’exploration, mais aussi à l’approvisionnement énergétique de la terre. Français, Américains et Russes y collaborent, laissant dans l’ombre les pays du tiers-monde. Ceux-ci, prophétiquement, se révoltent, et par le biais d’un commando, se rendent maîtres des cités. Le héros, Jacques Maurel, collabore tout en s’y opposant : tout cela fait furieusement penser à la Seconde Guerre mondiale (codes des résistants, option de collaborer ou non, etc.). Après une terrible guerre bactériologique, nos héros vainquent et défont les révoltés. Dans le second volume, "Cités des astéroïdes", la paix est faite, et le tiers-monde (Chine, Inde) a droit au chapitre. Les cités, devenues quasi indépendantes, se rebellent contre la tutelle terrienne. Où l’on retrouve l’obsession européenne de la (dé)colonisation. Mais les conditions sur terre se dégradent : destruction de la couche d’ozone, inversion des pôles, catastrophes et révoltes en tout genre. Un bref et hallucinant séjour sur notre planète, avec sa cohorte de malheureux honnêtes dominés par des gouvernants égoïstes, précède la bataille finale gagnée par les Oasis, qui finiront par reconstruire des écrans protecteurs autour de la planète-mère. La leçon est amère : "Si des êtres d’une même race se combattaient entre eux, qu’en serait-il avec des extra-terrestres ?". La conclusion, cependant, est plutôt optimiste : "Un avenir merveilleux s’ouvre pour l’humanité, à condition que, désormais, la guerre soit mise hors-la-loi". Et le roman clôt par une nouvelle expérience : le clonage humain…

"Cités interstellaires" décrit le premier long voyage de l’humanité vers les étoiles. En effet, redoutant l’ennui créé par la paix ("une société sans idéal est vouée à la guerre ou à l’extinction"), les Cités ont construit un vaisseau gigantesque qui se dirige vers Eridan, une planète semblable à la terre. Après quelques épreuves (mutinerie, météorites, épidémie, trous noirs), l’équipage formé d’humains, mais aussi de psyborgs et de clones, arrive enfin, pour constater la présence effective d’extraterrestres humanoïdes : l’Homme n’est pas seul dans l’Univers ! Le contact avec la planète Eridan forme le sujet du volume suivant, "Les Colons d’Eridan". Intervenant tout d’abord avec prudence dans un monde antico-médiéval, les humains découvrent un continent déchiré par la guerre. L’un des humains tombe amoureux d’une belle autochtone et décide de rester, faisant profiter un clan de la technologie terrienne. L’intervention ouverte devient inévitable… Mais l’on découvre des traces d’une autre race dans les astéroïdes et, surtout, la race des "Maîtres" de la planète, vivant dans une gigantesque caverne (ah ! la Terre creuse…). Ces Maîtres n’ont créé les autochtones que comme test pour de futurs intervenants. Le test est concluant : les Terriens sont priés de partir !

Et c’est ainsi que nous arrivons au dernier roman du Cycle, "Cités biotiques". Où l’on voit nos colons voler au secours d’habitants cavernicoles situés à plus de 300.000 années-lumière, grâce à une sorte d’hyperespace. À nouveau deux races s’y affrontent mais cette fois, nos Terriens sauront découvrir les subterfuges et sauver qui il faut. Ce dernier livre est moins éloquent que les précédents, malgré quelques moments bien brossés (une jolie bataille de dinosaures sous-terrains entre autres, ou la description d’animaux de métal).

Ainsi se termine cette gigantesque fresque de plus de 650 pages, augmentée, dans la présente édition, d’un appendice scientifique sur la bionique, science qui s’efforce de recréer les mécanismes naturels (animaux, surtout) pour le bienfait de l’humanité. Fresque un peu datée sans doute, souvent lourdement didactique, et aux ressorts dramatiques trop artificiels. Reste un beau talent de conteur, beaucoup d’imagination, et surtout un inextinguible optimisme : ce n’est déjà pas si mal.

Pierre BARBET, Les Cités de l’espace, Claude Lefrancq Éditeur, collection Volumes

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