Avant les diamants

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Hollywood 1953, l’Amérique est en plein maccarthysme, la chasse aux sorcières bat son plein. Tout ce qui ressemble de près ou de loin à du communiste est pourchassé manu militari. Dans ce contexte, alors que les studios de cinéma sont entre les mains de quelques Moguls surpuissants, l’armée cherche à faire produire des films tout à sa gloire en s’affranchissant de ces magnats. La solution sur le papier parait d’une simplicité enfantine : trouver un réalisateur qui en veut et cherche à se venger des grands studios, obtenir l’aval de la très stricte commission religieuse et faire financer le tout par la mafia en lui promettant en échange de fermer un oeil sur certaines de ses activités. Tout ce petit monde semble s’entendre comme larrons en foire, mais en réalité, la somme mise en jeu, 2 millions de dollars, aiguise les appétits. Et chacun s’imagine déjà profiter du magot…

Bienvenue à Hollywood, avant les diamants ! Une réplique extraite du film Algiers, dans la bouche de Hedy Lamar qui joue son propre rôle dans ce passionnant bouquin. Les diamants ici, ça pourrait être cette somme qui fait rêver tous les protagonistes de l’histoire, et ils sont nombreux : le réalisateur Larkin Moffat, le major Chance Buckman et Annie Morrison, chargés de mettre en relation mafia et cinéaste, le père Starace dont la foi semble très variable en fonction des circonstances, la famille Dragna, qui voit une façon de reprendre le contrôle d’Hollywood, les très jeunes et très amoureuses Didi Brumelle et Liz Montgomery…

Dominique Maisons aime le cinéma noir et le lui rend bien dans ce livre. Roman « vrai » selon l’éditeur, je ne suis pas sûr d’avoir compris la signification, peut-être en raison des personnages réels qui côtoient les imaginaires, c’est surtout un roman parfait à tout point de vue. L’écriture au présent adopte ce ton propre aux pulps, effectivement proche d’un Ellroy mais j’ai aussi trouvé du Hammett dans les lignes. La galerie d’intervenants, si elle est imposante, ne nuit cependant pas à l’ensemble et ne le ralentit pas. Tout au plus, quelques passages auraient pu être un peu « écrémés » comme la scène avec Erroll Flynn qui n’apporte pas grand chose au récit. La force de Avant les diamants, c’est de laisser sentir au lecteur que l’histoire va de tout façon lui échapper comme elle échappe aux personnages, que l’inéluctable va se produire, ce qui est le cas dans un final très « tarantinesque » par sa violence là où jusqu’à présent l’auteur ne faisait que la suggérer, et nous y préparer. Roman noir également parce que Maisons porte un regard sans aucune complaisance ni pitié sur ses personnages, aucune empathie, même pour les plus fragiles, je pense à Liz, Didi et Jacinto. Parce que ne nous y trompons pas, nous ne sommes pas dans un roman à l’eau de rose, une belle histoire hollywoodienne, mais bien dans un drame impitoyable. Encore une des forces de ce récit. Et après les diamants, il ne restera pas grand monde pour en profiter…

Petit clin d’oeil ultime à ce cinéma de genre, le détective Jack Gittles, dont le nom est très proche du Chinatown de Polanski, au point que je suis allé vérifier l’orthographe du personnage interprété par Nicholson.

On le comprendra aisément, ce roman est une véritable réussite dans le domaine du noir. Une pierre brute que Dominique Maisons a finement ciselée et qui aurait sied à merveille à la troublante Hedy Lamar, « la plus belle femme d’Hollywood ». Un livre marquant, assurément.

Mes remerciements aux Editions de la Martinière pour leur confiance.

Avant les diamants - Dominique Maisons - Editions de la Martinière - Aout 2020, 21, 90 €

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