Alone (mémoires)

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Selon Rolling Stone, Mickey Baker est un des cent plus grands guitaristes de tous les temps, et pourtant, peu de personnes savent qui il est réellement ni quelle fut son importance dans la musique. Son plus célèbre tube, Love is Strange, est forcément connu de tous les fans du film Dirty Dancing.

McHouston Baker, du nom de famille de ses grands-parents paternels, est le fils illégitime d’une relation qui s’apparente plus à un viol. Sa mère n’a que 11 ans lorsqu’elle le met au monde, son père les abandonne, quelques années plus tard sa mère se met en ménage avec un beau-père, et le jeune Mickey est livré à lui-même. Métis, il n’est ni tout à fait blanc, ni tout à fait noir, et cette différence, ainsi que le fait qu’il a perdu un œil, le poursuivra toute sa vie. Ce racisme sera une des raisons qui lui feront quitter les Etats-Unis pour la France au début des années 60. Il connait la rue, les petits boulots et l’exploitation, l’orphelinat d’où il s’échappe régulièrement, sa mère passant plus de temps en prison pour délinquance. Mais c’est là qu’il se découvre une passion pour la musique, qui deviendra son métier. Il ira jusqu’à écrire une des méthodes de guitare jazz les plus vendues au monde. Ensuite, ce sera New York, le succès, la revanche sur le destin. Même si, il le reconnait à de nombreuses reprises, le fait d’être un métis noir ne lui facilitera jamais la vie. Il aura beau être riche et célèbre, les Sudistes continueront à adopter avec lui ce ton condescendant que certains adoptent parfois avec un enfant simplet. Mickey incarne le blues qu’ils voudraient pouvoir reproduire partout.

Tout au long de ces pages truculentes, Baker se livre sans fard. C’est drôle, c’est émouvant, c’est révoltant, c’est cru. Exploité par le monde de la musique, il le reconnaît et l’accepte avec fatalisme, même dans ses coups de gueule. Il ne fait aucun mystère de ses appétits, de réussite d’abord, mais aussi de femmes, nombreuses, qui croiseront sa vie, dans lesquelles il cherchera longtemps à remplacer la mère qu’il n’a jamais eu avant de trouver l’épouse et la confidente. Pour l’une d’entre elle d’ailleurs, il abandonne tout ce qu’il possède, fuyant le racisme américain pour tout recommencer en France à Paris. Il y croisera de jeunes artistes qu’il contribuera à faire connaître. C’est sur notre territoire qu’il finira sa vie, le 27 novembre 2012, à Montastruc-la-Conseillère en Haute Garonne.

Alone est un bien plus qu’une simple biographie, c’est un roman sur une période de l’histoire des Etats-Unis et sur sa musique, une photographie de la vie d’une artiste méconnu du commun des mortels. Un travail remarquable effectué par les éditions Séguier, avec une traduction qui sonne juste et rend hommage au franc-parler de l’artiste, et une iconographie conséquente, font de cet ouvrage un indispensable pour tous les amoureux du jazz et du blues. Je remercie infiniment l’éditeur pour sa confiance.

 

Mickey Baker - Alone - éditions Séguier - Novembre 2021, 22€

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